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Les produits du terroir continuent à avoir le vent en poupe
Les produits à origine garantie tels que les AOC/IGP et les marques régionales connaissent une vogue extraordinaire depuis quelques années, vogue qui n’a de loin pas épuisé son potentiel, sur les marchés d’exportation notamment. Mais les stratégies couronnées de succès suscitent toujours les copies, ce qui présente un danger pour l’image. Quelles sont les variantes aux déclarations d’origine et vaut-il la peine de les faire certifier?


Saucisse sèche à l'absinthe de la boucherie Centrale à La Chaux-de-Fonds NE, une participante du programme régional de Suisse romande «Pays Romand Pays Gourmand».


L’intérêt des consommateurs pour les produits du terroir est en constante augmentation. Preuve en est le taux de fréquentation record au Salon des produits nationaux «Goûts et Terroirs» à Bulle FR au début de novembre. Les produits du terroir au sens strict tels que le vin, l’huile d’olive et le fromage d’alpage permettent de vivre une expérience sensorielle unique en son genre grâce à l’influence marquée du terroir (sol, climat, traditions). Ceci même s’il est difficile de dire quelle est l’importance de l’influence spécifique du mode cultural, de la préparation et des recettes. Les spécialistes peuvent par exemple distinguer à l’aveugle la viande séchée du Valais de celle des Grisons mais dans ce cas, il n’y a pas que les terroirs mais aussi les recettes qui sont légèrement différentes. On ne constate toutefois aucune différence sensorielle entre les laits pasteurisés de diverses provenances en Suisse.

On déclare bien une provenance pour les produits du terroir au sens large, mais elle ne se réfère qu’au lieu de transformation, par exemple pour les sirops de fleurs ou les bonbons aux herbes. Au vu des perspectives futures, Raphael Sermet, actionnaire de l’organisme de certification bernoise ProCert considère toutefois les notions d’origine et de terroir comme équivalentes «car les produits régionaux qui n’ont de local que la valeur ajoutée ne seront plus certifiables». Mais l’étendue d’un terroir est relativement flexible et peut aussi théoriquement englober toute la Suisse. L’eau minérale constitue un cas particulier, car bien qu’elle possède des qualités sensorielles marquées par le terroir, «elle n’est toutefois pas considérée comme un produit du terroir typique» relève Barbara Pokorny, responsable de la communication de l’association AOC/IGP. «Car sa mise en bouteille ne fait appel à aucun savoir-faire humain particulier».

D’après R. Sermet, tous les concepts de provenance ont des chances de réussir à l’exception des régions trop petites qui ont trop peu de soutien de l’artisanat local. Il estime que «les volumes de production devraient être suffisamment importants pour pouvoir intéresser les grands distributeurs». Comme exemple de taille critique, il cite l’Entlebuch, une petite région qui n’en connait pas moins un succès au niveau du marketing des produits régionaux. «Mais il y a aussi des limites supérieures, comme par exemple «De la région» Aare, qui s’étend de Fribourg en Argovie, ce qui est une taille maximale pour rester perçu comme unité régionale» mentionne R. Sermet.


Viande séchée de boeuf de la boucherie «Au Fumoir Paysan»
à Martigny VS: publicité du terroir avec le Cervin.


Contrairement aux produits slowfood qui font notamment la promotion de la fabrication artisanale et des saveurs des produits, les produits industriels ont également (comme pour le bio) leur chance avec des purs concepts de terroir. Au point, d’après l’expérience de ProCert, de représenter «environ les mêmes quantités que les produits artisanaux». Il y a par exemple les pains «De la région» des boulangeries JOWA, les charcuteries IGP de Bell ainsi que le lait et le beurre «De la région» d’Emmi. Mais si l’on considère la variété des produits, ce sont largement les produits du terroir artisanaux qui l’emportent, principalement dans le domaine des spécialités fromagères.

La certification n’est pas obligatoire mais elle est judicieuse

Tandis que les AOC/IGP doivent obligatoirement être certifiées, les programmes privés de marques régionales peuvent décider librement s’ils exigent une certification de leurs participants. Mais s’ils demandent un soutien à la promotion des ventes, l’Office fédéral de l’agriculture peut s’appuyer sur des standards minimaux définis par la communauté d’intérêts «CI Produits régionaux» qui revendique la certification obligatoire. Les programmes régionaux sont ainsi mis en valeur au point d’offrir une alternative judicieuse à une appellation AOC ou IGP. Ces dernières présentent toutefois des exigences plus étendues et plus élevées, surtout en ce qui concerne l’aspect traditionnel. Mais les deux concepts conviennent en particulier aux petites entreprises. «Les fabricants qui ne peuvent pas remplir les exigences de l’AOC relatives à l’aspect traditionnel peuvent s’affilier à un programme certifié de marques régionales», conseille B. Pokorny. «Là aussi, ils profitent d’un positionnement renforcé sur le marché».

Pour le fabricant, la certification engendre quelques heures de travail par année ainsi que des coûts comparables à ceux d’une certification bio. Mais tant les consommateurs que les détenteurs de marques profitent de certains avantages: «Avec le contrôle sur site, on évite les imitateurs ou les programmes qui ne procèdent que de la publicité pure» dit R. Sermet. Concrètement, on évite le risque de tromperie. La marque régionale bénéficie de bien plus de crédibilité et peut «résister à A bon entendeur». Mais il y a également des programmes de marques régionales non certifiés qui sont couronnés de succès, comme «Natürli aus dem Zürcher Berggebiet» pour les produits laitiers: la certification n’est donc pas le seul facteur de succès et n’offre pas une garantie absolue au niveau commercial.

Meilleure aptitude à l’exportation grâce à l’AOC

Les différents types de déclarations de provenance se ressemblent donc en matière d’obligation de certification, mais il reste d’autres différences: au niveau national et international, c’est l’AOC qui a la meilleure image. Grâce aux vins, cette appellation est bien connue, ce qui permet de commercialiser les produits AOC au-delà des frontières régionales et de les exporter. Les produits régionaux sont en revanche connus essentiellement dans leur région de fabrication. Les marques régionales visent à promouvoir l’économie locale, les AOC/IGP visent en plus à soigner des traditions et aspects sensoriels uniques en leur genre. Les motifs qui poussent à acheter ces deux types de produits sont en outre les transports sur de courts trajets et, de manière générale pour les produits suisses, la sécurité alimentaire.


Le petit pâté vaudois, un classique de la cuisine vaudoise,
est pratique et décoratif.


Les motifs qui poussent à acheter des produits du terroir ainsi que la promotion officielle des ventes font l’objet d’une étude chez Agridea. Les résultats seront connus au plus tôt en automne 2009. Une étude auprès des consommateurs portant sur l’impact de la communication des AOC et IGP est prévue pour 2010. Mais aujourd’hui déjà, les experts reconnaissent que les motifs poussant à acheter des produits régionaux sont différents en Suisse romande et en Suisse alémanique. Les romands se tournent plus vers les AOC – ils ont plus de sensibilité et d’expérience pour apprécier la saveur d’un produit. Les Suisses alémaniques sont en revanche plus sensibles au label. «Mais en Suisse romande aussi, les marques régionales prennent de l’importance» constate R. Sermet.

Plus gros potentiel de volume pour les marques régionales

Le succès de la promotion des ventes de l’association AOC varie toutefois fortement d’un produit à l’autre, avec une tendance moyenne à l’augmentation. «Les spécialités menacées de disparition telles que le Rheintaler Ribelmais ou la Poire à Botzi connaissent à nouveau le succès grâce au statut AOC» estime B. Pokorny, «et la Tête de Moine présente depuis des années une forte croissance sur le marché d’exportation», mais avec des tonnages relativement faibles. Les produits AOC les plus importants en matière de quantité sont le Gruyère et l’Emmental qui représentent à eux deux plus de 82% de tous les produits AOC/IGP. Pour les produits aux tonnages confidentiels ou provenant de petites régions, comme le «Cardon épineux genevois», le safran de Mund ou la saucisse d’Ajoie, le potentiel est fortement limité. «Mais en ce qui concerne les produits AOC/IGP, ce n’est pas la croissance qui est prioritaire mais l’augmentation de la valeur ajoutée» relève B. Pokorny, «car contrairement aux produits industriels, on ne peut pas envisager de croissance à volonté du fait de l’obligation de fabrication régionale).

Le potentiel est plus grand pour les marques régionales car elles ne doivent pas satisfaire à des exigences en matière de tradition. Les innovations peuvent également être certifiées en tant que produits régionaux. Mais par leur commercialisation, les produits AOC bénéficient d’une promotion officielle des ventes. «En cumulant les moyens dans notre association, les mesures de marketing s’avèrent efficaces» mentionne B. Pokorny. «Il n’est guère possible de générer de telles sommes pour le marketing avec des marques régionales. Les AOC/IGP profitent en outre des aides fédérales à la promotion des ventes qui peuvent aller jusqu’à doubler les fonds propres investis par les filières».


Les concepts d’origine en bref

Les AOC / IGP sont des appellations d’origine réglées et certifiées de manière officielle. De nombreux produits du terroir étrangers sont également protégés par une AOC, par exemple le jambon de Parme, le camembert, le champagne ou l’Aceto Balsamico Tradizionale di Modena. Les produits de montagne et d’alpage (mots-clés: Heidi, Pro Montagna) qui devront obligatoirement être certifiés à partir de 2009 font également l’objet d’une réglementation officielle. Il y a aussi des programmes privés comme les marques régionales qui ne doivent pas obligatoirement être certifiées. Ces programmes se sont regroupés en une communauté d’intérêts «CI Marques régionales» et ont défini des exigences minimales au niveau national (www.ig-regionalprodukte.ch). L’une d’entre elles est de se soumettre à une certification. Il n’y a en fait pas d’obligation générale à ce sujet, mais si un programme de marques se fait certifier, des standards minimaux doivent être respectés en conformité avec les conditions d’accréditation en vigueur. L’idée des marques régionales vient d’Autriche (le programme Culinarium de Suisse orientale possède une licence de la marque autrichienne du même nom).

Exigences à l’égard des produits régionaux

Pour les produits composés (contenant plus d’un ingrédient), au moins 75% des ingrédients doivent provenir de la région définie.

Les produits non transformés et les produits transformés contenant un seul ingrédient ainsi que la viande non transformée doivent provenir à 100% de la région définie.

Les exploitations sises en zone limitrophe d’une région peuvent se procurer les ingrédients nécessaires, à hauteur de 10% au maximum, dans les districts jouxtant la région concernée.

La valeur ajoutée doit être générée pour les deux tiers au moins dans la région.

Ne peuvent être désignés par une marque régionale que les produits qui ont été certifiés conformément à la procédure ad hoc d’un organisme de certification accrédité.

Source: www.ig-regionalprodukte.ch
(gb)

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